Entretien avec Dr Edith Christiane Bougouma, docteur en Pharmacie, doctorat de recherche (PhD) en santé publique et microbiologie

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Dans cet entretien, Dr Edith Christiane Bougouma nous livre son parcours exceptionnel de Docteur, de scientifiques, de chercheur avec nombreuses recherches sur le paludisme et de nombreux articles publiés dans des revues scientifiques de renommées mondiales. Dr Bougouma est également professionnelle qualifiée du management stratégique, du leadership, du management de la qualité, du management des sciences, des risques et bien d’autres compétences.

Dr Bougouma, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Bonjour ! Je vous remercie pour l’intérêt porté sur ma modeste personne, en sollicitant cette interview. 

Je suis BOUGOUMA Edith Christiane, titulaire d’un Doctorat en Pharmacie et d’un Doctorat de recherche (PhD)  en Santé Publique et Microbiologie. 

Soucieuse de renforcer continuellement mes capacités, j’ai acquis par la suite, plusieurs certificats dans d’autres domaines tels que l’Epidémiologie Moléculaire/Génétique/Génomique, l’Industrie Pharmaceutique, la Gestion des projets, le Management de la Qualité, Management des Sciences, Management des Risques, Management Stratégique, Leadership, Gestion des Conflits, Hygiène Sécurité Environnement, Gestion de la chaine logistique Éthique génétique, Monitoring, Audit et Inspection.  

Je suis présentement dans un Centre de recherche de droit privé (Groupe de Recherche Action en Santé) comme Chercheur Senior et Responsable du Département de la Pharmacie et de la Chaine de Froid.

Passion pour la recherche

J’ai été attirée par une carrière scientifique car je suis de nature très curieuse et rigoureuse et aussi, j’ai comme philosophie de vie, le besoin d’être utile aux autres. C’est cela qui a guidé très tôt mon choix pour les études en Pharmacie, puis ma décision de faire carrière dans la Recherche & Développement. C’est un domaine qui représente pour moi, plus qu’un travail, et grâce aux résultats de mes recherches, je pourrais ainsi contribuer à apporter la santé aux patients, partout dans le monde entier. C’est important pour moi.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

À la suite de l’obtention de mon Baccalauréat série D, j’ai été orientée en Pharmacie (Faculté des Sciences de la Santé de l’Université de Ouagadougou au Burkina Faso) comme souhaité par moi-même car passionnée depuis mon jeune âge par la science. J’ai dû poursuivre mes études au Mali (Le Mali , un pays pour lequel je garde de très bons souvenirs pour son hospitalité légendaire ‘’diatiguiya’’), en pharmacie, à l’Université de Bamako   (FMPOS : Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontostomatologie) où j’ai obtenu mon diplôme de Docteur en Pharmacie avec comme sujet de thèse,  ‘’Morbidité du paludisme en zone hyper-endémique du Burkina Faso : étude de l’indice plasmodique et de l’incidence des formes cliniques’’ (avec la Mention, très honorable et Prix de thèse : échange de thèse avec les autres universités: https://pesquisa.bvsalud.org/portal/resource/pt/afr-192494?lang=fr) .

Très rigoureuse, et ne craignant pas de réaliser ce qui semble impossible, j’ai choisi des mentors inspirants, (notons que ce fut une chance qu’ils ont accepté de m’encadrer), des icônes de la recherche scientifique en Afrique, voir dans le monde (Feu Pr Ogobara Doumbo dont je me souviendrai toute ma vie, il m’a tant appris, la recherche du meilleur, la persévérance autant que nous en avons la capacité. Il y a des personnes qui passent dans votre vie et qui vous marquent à jamais ! Pr était l’une de celles-là) et Dr Sirima Sodiomon (Grand chercheur de classe mondiale, reconnu sur le plan International par ses pairs et surtout, une référence dans la recherche clinique) qui m’ont donné de l’inspiration pour la suite de ma carrière et des conseils à chaque étape de mon parcours. 

Apres l’obtention de mon diplôme en Pharmacie, mon amour pour ma patrie et la recherche m’ont conduit au Centre National de Recherche et de Formation sur le Paludisme (CNRFP) en 2004 où j’ai intégré l’équipe de recherche de mon mentor Dr Sirima (en refusant des offres hors du pays qui allaient m’éloigner de ma chère patrie, le Burkina Faso et en refusant des offres aux pays qui allaient m’éloigner de ma passion pour la Recherche).

Pour renforcer mes compétences dans la recherche sur le paludisme, j’ai suivi un cours de Paludologie à l’institut pasteur de Madagascar. Ce séjour m’a permis d’avoir davantage d’atouts pour mieux mener mes activités de recherche. 

Mes postes de responsable de l’unité de Génétique Humaine et de responsable de la pharmacie au CNRFP, m’ont permis de me concentrer sur l’Epidémiologie génétique/génomique, l’Epidémiologie moléculaire et à la maitrise de la gestion des produits à l’investigation.

En 2005, j’ai entamé un Doctorat de recherche à l’Université « la Sapienza » en Rome (Italie), et soutenu en septembre 2009 un PhD de recherche en science de Santé Publique et Microbiologie (option Epidémiologie Moléculaire et Génétique, avec comme sujet de thèse ‘’ Malaria morbidity according to the Haemoglobin variants and Glucose-6-Phosphate Dehydrogenase deficiency in children under five years of age living in a high and seasonal malaria transmission area of Burkina Faso’’).

J’ai été encadrée par deux grands hommes du monde de la recherche, Dr Sodiomon Sirima (grande icône du monde de la Recherche, qui m’a initiée et a entretenu ma flamme dans ce domaine ; merci à lui pour les nombreux conseils prodigués tout au long de mon parcours) et Prof David Modiano (grand chercheur avec ses travaux sur les variantes génétiques de l’hémoglobine et paludisme grave au Burkina Faso).

Durant cette période, j’ai été en tant que Data Fellow (https://www.malariagen.net/human/data-fellows) du Consortium MalariaGEN  (Genomic epidemiology net Work), réseau interdisciplinaire avec plus de 300 personnes travaillant ensemble sur des projets nécessitant le partage et l’intégration de grandes quantités de données pour étudier les processus évolutifs qui affectent la transmission et la maladie du paludisme (https://www.malariagen.net/about/people).

Ce programme regroupait 21 jeunes chercheurs de 21 pays,  et des chercheurs des pays endémiques du paludisme pour développer leur capacité d’analyse de données génétiques (sous le Leadership du Prof Dominic Kwiatkowski, Professor of Genomics and Global Health). Il m’a surtout permis de bénéficier de formations certifiantes (Génomique des populations, l’Epidémiologie génétique ; Génétique des populations humaines, la Bio-informatique, Génomique comparative ; Éthique de la génomique humaine) organisées pour la plupart par Wellcome Sanger Institute et l’ University of Oxford.

Le Consortium a également développé un Programme scientifique international pour étudier pourquoi, dans les régions où les populations sont exposées à plusieurs reprises aux parasites du paludisme, certaines personnes meurent de l’infection tandis que d’autres survivent. J’ai eu l’opportunité de coordonner (sous la supervision de mon Mentor, Dr Sodiomon Sirima, Principal Investigateur) localement trois (3) projets :  

1. Le projet1 « Variantes du génome associées à la résistance ou à la sensibilité au paludisme grave » a étudié les facteurs génétiques humains impliqués dans la résistance au paludisme grave afin de mieux comprendre pourquoi, dans les régions où les gens sont exposés de manière répétée aux parasites du paludisme, certaines personnes meurent de l’infection tandis que d’autres survivent. https://www.malariagen.net/about/where-we-work/human-genetic-determinants-severe-malaria-burkina-faso , 
2. le projet2 « Facteurs génétiques qui déterminent les réponses en anticorps au paludisme » a étudié les facteurs génétiques humains susceptibles d’influencer la réponse en anticorps aux antigènes du parasite du paludisme, avec un accent particulier sur les antigènes qui sont pris en compte pour le développement de vaccins :  https://www.malariagen.net/about/where-we-work/studies-malaria-immunity-burkina-faso. et 
3. Le projet3 « Variation du génome dans les populations endémiques » a utilisé le séquençage du génome entier pour identifier la diversité génétique des gènes connus pour être associés à la résistance au paludisme grave, au sein et entre les populations endémiques au paludisme. https://www.malariagen.net/human/CP3

En étant très active dans le consortium et aussi en gérant les projets avec rigueur, j’ai pu bénéficier d’un financement pour le projet “Role of ethnicity, hemoglobin, and interleukin gene polymorphisms on the occurrence of malaria in an endemic rural area of Burkina Faso’’ auquel j’avais postulé.

Aussi, j’ai été retenue pour un Post-doc à Oxford par le Prof Dominic Kwiatkowski ; cependant je n’ai pas pu effectuer le déplacement pour des contrainte professionnelle car étant fonctionnaire de l’Administration publique. 

 A travers le consortium MalariaGEN, nous avons contribué à créer des sources de données génétiques pour soutenir le contrôle et l’élimination du paludisme en Afrique.

Grâce à cette belle expérience avec le consortium et mon parcours dans la recherche, j’ai été auteur de plus de 50 articles scientifiques avec comités de lecture, dont plusieurs articles dans les prestigieuses revues notamment ’’Nature’’; ‘’Lancet’’; ‘’Science’’, ‘’Vaccine’’ et ‘’PLoS One’’ (https://loop.frontiersin.org/people/1253155/impact). 

Aussi j’ai été sollicitée pour la rédaction de deux chapitres sur la génétique avec IntechOpen, ce sont :

• Le chapitre 8 : Le système de groupe sanguin ABO et l’infection à Plasmodium falciparum (Pf ) dans trois groupes ethniques vivant dans les zones de transmission stable et saisonnière du paludisme au Burkina Faso (https://www.intechopen.com/books/blood-groups-more-than-inheritance-of-antigenic-substances/the-abo-blood-group-system-and-em-plasmodium-falciparum-em-em-pf-em-infection-in-three-ethnic-groups) du livre « Groupes sanguins – Plus que l’héritage de substances antigéniques’’ (https ://www.intechopen.com/books/blood-groups-more-than-inheritance-of-antigenic-substances).
• Le chapitre 1 : Troubles héréditaires de l’hémoglobine et du paludisme à Plasmodium falciparum (https://www.intechopen.com/books/human-blood-group-systems-and-haemoglobinopathies/inherited-disorders-of-hemoglobin-and-em-plasmodium-falciparum-em-malaria) du livre « Systèmes de groupes sanguins humains et hémoglobinopathies »(https://www.intechopen.com/books/human-blood-group-systems-and-haemoglobinopathies)

Parallèlement à la Recherche, j’écris régulièrement des articles sur le Management de la Qualité, le leadership, des questions du genre et de société, tout en m’inspirant permanemment des actualités scientifiques médicales, pharmaceutiques, biologiques et des faits de société. 

Tout au long de mon parcours professionnel, depuis le Centre national de recherche et de formation sur le paludisme (CNRFP) en 2004 (2004 à 2021) jusqu’au Groupe de Recherche Action en Santé (GRAS) que j’ai intégré depuis 2021, j’ai travaillé comme : Principal investigateur,  Coordonnateur de projet de recherche, Responsable du Laboratoire de Génétique Humaine du CNRFP, Responsable du laboratoire de Biologie et Epidémiologie- moléculaire d’un important programme quinquennal de développement de vaccins antipaludiques (PDVAP), Responsable de l’unité de Pharmacie, Responsable de l’Unité de Biosécurité, Responsable de management de la Qualités. Toutes ces fonctions ont exigé de moi des regards spécifiques et rigoureux sur mes activités de routine. 

Forte de cette longue et riche expérience, Je m’évertue à mettre mes compétences non seulement aux bénéfices de mes collaborateurs directs et collègues (coaching, mentorat, transfert de compétences), mais aussi au profit d’institutions nationales et internationales (Expert en Essai Clinique pour le Comité Technique d’Experts d’examen des demandes d’autorisation des Essai cliniques, Consultante en Recherche Clinique, Ethique génétique, Management de la science,  Management de la Qualité , et en Santé, Sécurité et Environnement dans les domaines de la Recherche clinique et de l’Industrie pharmaceutique).

En plus de mon parcours professionnel, détaillé plus haut, je jouis des talents de leadership proactif et flexible, doté d’un esprit critique. Le respect, l’adaptation, la fiabilité, sont entre autres des valeurs primordiales pour moi.

Pouvez-vous nous expliquer en langage simple les significations des termes, Microbiologie, Santé Publique, épidémiologie, épidémiologie moléculaire, la génétique et le génome ?

Pour permettre à l’audience de mieux cerner ces termes techniques, je vais commencer par définir les concepts d’ordre général et afin définir les termes en lien avec la génétique. 

La Microbiologie s’intéresse à l’étude des microorganismes (microbes), qu’il s’agisse des bactéries, des champignons, des protozoaires ou des virus. Une connaissance approfondie de leur physiologie (fonctionnement), de leur génétique et des interactions entre eux facilite notre compréhension du monde vivant à l’échelle microscopique.

La Santé publique d’une façon générale, fait référence à des mesures collectives visant à améliorer, promouvoir, protéger et restaurer la santé de la population. Selon l’OMS, c’est la science et l’art de prévenir les maladies, de prolonger la vie et d’améliorer la santé physique et mentale à un niveau individuel et collectif. 

L’Epidémiologie est une discipline scientifique qui étudie les problèmes de santé dans les populations humaines, leur fréquence, leur distribution dans le temps et dans l’espace, ainsi que les facteurs exerçant une influence sur la santé et les maladies de populations.

L’Épidémiologie moléculaire est une branche de l’épidémiologie et des sciences médicales qui se concentre sur la contribution des facteurs de risque génétiques et environnementaux potentiels.

L’Epidémiologie génétique est l’étude du rôle des facteurs génétiques dans la détermination de la santé et de la maladie dans les familles et dans les populations ainsi que l’interaction de ces facteurs génétiques avec les facteurs environnementaux. 

Le Génome est l’ensemble du matériel génétique d’une espèce. Il contient en particulier tous les gènes codant des protéines ou correspondant à des ARN structurés.  

La Génomique est l’étude de tout l’ensemble de gènes dans le génome d’une cellule. C’est donc la science qui étudie le contenu génétique d’un organisme, soit ce qui peut être transmis d’une génération à la suivante. 

La Génétique est la science de l’hérédité. Elle étudie les caractères héréditaires des individus, leur transmission au fil des générations et leurs variations.

Quels sont vos projets pour le Burkina ?

Question délicate, je pense à plusieurs projets car j’aimerais partager mon expérience avec les jeunes. Par conséquent, j’ai plusieurs ambitions pour mon pays. Cependant pour rester dans le domaine de la Génétique et de la Génomique, j’ai pour projet immédiat de me lancer dans la rédaction d’un livre sur mon parcours scientifique et organiser des conférences-débats sur les maladies génétiques. Aussi, le renforcement des capacités analytiques et bio-informatiques des jeunes chercheurs est une de mes priorités. Cela va de pair avec le développement de méthodes de séquençage qui offriront plus d’opportunités de recherche pour les jeunes chercheurs. 

Établir les principes de la recherche collaborative en génomique avec les jeunes chercheurs car avec le Consortium MalariaGEN, nous avons créé une nouvelle approche très efficace de la recherche collaborative en mettant en place un réseau international de partage de données qui a constitué le plus grand ensemble de données cliniques pour les études génétiques de la résistance au paludisme grave.

Aussi, un de mes projets est de sensibiliser nos dirigeants à travers les différents Ministères, afin que les structures de recherche privée aient les mêmes opportunités que les structures de recherche publique . Aussi qu’il y’ait une passerelle entre le Ministère de la Santé et  celui de la  Recherche Scientifique pour permettre aux chercheurs du ministère de la santé  publique de bénéficier du même statut que leurs confrères du ministère de la recherche scientifique.

Quel est votre mot à l’endroit de Digital Magazine Burkina ?

Je remercie Digital Magazine Burkina pour l’opportunité qui m’a été donnée de m’exprimer. Je tiens à vous encourager et à vous féliciter pour la Qualité et la pertinence de vos publications.

 Merci pour votre engagement au droit à l’information. 

Votre dernier mot ?

Je remercie tout particulièrement ma famille, mon socle inébranlable face aux défis et ma source inépuisable de motivation. Je remercie également mes amis , collègues et collaborateurs, pour leur soutien constant et l’intérêt accordé à mes différentes publications et leurs encouragements multiformes.   Je remercie tout spécialement mes mentors, acteurs majeurs de mon aventure sur les sentiers de ma carrière ; 

Un grand merci à toutes les personnes qui ont pris le temps de nous lire. J’espère avoir permis aux lecteurs de mieux comprendre et d’en savoir plus sur la fonction du généticien en tant que chercheur.

Que Dieu bénisse le Burkina Faso. 

Une pieuse pensée et un soutien indéfectible pour mon cher Burkina qui vit des moments très difficiles ; cependant je reste convaincue que nous gagnerons cette guerre avec la détermination de nos FDS et VDP.

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Digital Magazine Burkina, La Rédaction