La justice kenyane ouvre la porte à des procès contre Meta par ses modérateurs humains de Facebook

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En décembre 2022, nous rapportions dans un article que Meta était poursuivi au Kenya pour incitation à la haine et à la violence. Les plaignants réclament 1,2 milliards de dollarLa Cour d’appel de Nairobi a confirmé vendredi la compétence de la justice kényane pour juger deux affaires lancées par d’anciens modérateurs de contenus pour Facebook contre le géant du numérique Meta et deux sous-traitants pour dénoncer leurs conditions de travail et leurs licenciements. Ces affaires portées devant la justice kényane visent à dénoncer un système de sous-traitance qui permet à Meta, selon ses détracteurs, d’échapper à sa responsabilité.

Deux plaintes contre Meta pour plusieurs plaignants

Cette décision de la justice kényane ouvre la voie à la poursuite d’une bataille judiciaire lancée il y a plus de deux ans et visant notamment à faire reconnaître la responsabilité en tant que donneur d’ordre du groupe californien de réseaux sociaux, également propriétaire d’Instagram et WhatsApp. Une première plainte a été déposée en mai 2022 par Daniel Motaung, modérateur de contenus sud-africain qui travaillait à Nairobi au sein de la société Sama, sous-traitante de Meta chargée de retirer de Facebook les publications violentes et haineuses entre 2019 et 2023.

Ces affaires sont les plus importantes sur le sujet de la modération de contenus depuis une action de groupe lancée en 2018 aux Etats-Unis

Il dénonce en effet, des conditions de travail “indignes”, des méthodes d’embauches trompeuses, des rémunérations irrégulières et insuffisantes ainsi que l’absence de soutien psychologique. Il affirme aussi avoir été licencié après avoir voulu former un syndicat.

Une autre plainte déposée en mars 2023 réunit 185 modérateurs qui affirment avoir été indument licenciés début 2023 par Sama, qui a mis fin à son activité de modération de contenus et a été remplacée par Majorel, également visée par la plainte.

Meta externalise la modération de contenus sur Facebook à des sociétés qui opèrent dans plus de 20 sites à travers le monde et traitent plus de deux millions d’éléments 

Ces ex-travailleurs demandent par ailleurs compensation pour leurs salaires “insuffisants” au regard du “risque auquel ils étaient exposés” et les “dommages causés à leur santé mentale”.

Dans ces deux affaires, les avocats de Meta faisaient valoir que le groupe ne pouvait être jugé au Kenya, où il n’a lui-même aucune activité et où il n’est pas employeur direct.

Une décision rejetée sur la non-compétence territoriale du jugement

La Cour d’appel a jugé “conforme” une décision de juin 2023 du Tribunal de l’emploi et des relations du travail de Nairobi (ELRC), qui avait rejeté cet argument en considérant que Meta était “propriétaire du travail numérique et de l’espace de travail numérique”.

Le groupe américain, qui peut encore saisir la Cour suprême, n’avait pas réagi dans l’immédiat. La Cour d’appel a en revanche annulé une autre décision de l’ELRC ordonnant la suspension des licenciements et le paiement de salaires jusqu’à la résolution de l’affaire.

Une conciliation non aboutie qui conduit au jugement

Le groupe Meta, qui ne souhaite pas commenter le détail des affaires, a assuré à l’AFP exiger de ses sous-traitants qu’ils fournissent une assistance psychologique, disponible 24h/24 et 7j/7. En mai 2020, Facebook avait accepté de payer 52 millions de dollars à des modérateurs en guise de compensation pour les effets de leur travail sur leur santé mentale.

A Nairobi, une tentative de médiation pour un règlement hors tribunal a échoué. Les modérateurs ont mis fin aux discussions en octobre 2023, estimant que Meta et Sama “gagnaient du temps et n’étaient pas sincères”.

Pierre Ouédraogo

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