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Le 15 juin dernier, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) au Burkina Faso a émis une série de décisions visant à réguler le secteur des télécommunications. Ces décisions comprennent la possibilité d’émettre des appels sur tous réseaux avec des bonus, l’envoi de SMS sur tous réseaux avec des bonus, la fixation d’un délai minimum d’un mois pour toute souscription supérieure ou égale à 1 gigaoctet, et la réactivation des mégas expirés après la souscription d’une offre similaire. Bien que ces mesures aient été présentées comme des mesures visant à protéger les intérêts des consommateurs, une bonne partie de la décision a attiré notre attention et pourrait revêtir des faces cachées, amer pour le consommateur que nous avons tenté d’analyser.
Un nouveau chapitre pour les consommateurs burkinabè
La récente décision permettant d’émettre des appels et d’envoyer des SMS sur tous les réseaux avec des bonus a été accueillie avec enthousiasme par de nombreux internautes. En effet, cette mesure semble offrir une plus grande flexibilité aux utilisateurs en leur permettant de profiter pleinement de leurs bonus, quel que soit l’opérateur de destination.
Le besoin accru de connectivité et les freins des nouvelles mesures
Le besoin croissant de connectivité est devenu une réalité incontournable de notre époque, en particulier pour les entreprises de commerce électronique. Ces entreprises dépendent fortement de l’accès à Internet pour leurs opérations, que ce soit pour la gestion des commandes en ligne, le suivi des livraisons ou la communication avec les clients. Cependant, l’exigence d’un délai minimum d’un mois pour renouveler la même offre promotionnelle pourrait être un souci majeur pour les consommateurs, limitant considérablement leur flexibilité. En effet, si un consommateur a souscrit à une offre promotionnelle et que cette offre est gelée ou coupée, il doit attendre au moins un mois le temps d’une nouvelle promotion avant de pouvoir dégeler son offre et continuer à l’utiliser, même si ses besoins en connectivité sont pressants. Cette situation pourrait non seulement entraver l’expérience d’achat en ligne, mais également compliquer la vie quotidienne des consommateurs qui dépendent de la connectivité pour leurs activités personnelles et professionnelles.
Réduction drastique des promotions
L’une des dispositions les plus controversées de cette décision est la réduction drastique du nombre de promotions autorisées, passant de 90 en 90 jours à seulement 15. Cette mesure pourrait se traduire par une diminution significative des offres avantageuses pour les clients, les privant ainsi de la flexibilité dont ils bénéficiaient auparavant pour choisir des forfaits adaptés à leurs besoins. Les consommateurs pourraient se retrouver avec moins d’options pour économiser sur leurs factures de télécommunication, ce qui pourrait entraîner des dépenses supplémentaires. Après la hausse des prix de 5% à la faveur du FSP, cette mesure de l’ARCEP interviendra comme une seconde augmentation des prix.
Le délai minimum pour les abonnements
La fixation d’un délai minimum d’un mois pour les abonnements de 1 gigaoctet ou plus pourrait également être problématique. Bien que cela puisse sembler une mesure pour garantir la stabilité des offres, elle pourrait limiter la capacité des consommateurs à ajuster rapidement leurs plans en fonction de leurs besoins changeants. Les utilisateurs dont le volume semble plus important que la validité, ceux qui voudraient regarder Netflix par exemple opteraient pour le forfait de 3Go à 1000F chez Moov avec validité de 3 jours plutôt que 1Go à 1000F valable 7 jours, Ces utilisateurs pourraient se sentir restreints par cette nouvelle règle. Cela pourrait également compliquer la vie des personnes qui ont besoin d’une connexion Internet mobile abondante temporaire pour des raisons professionnelles ou personnelles.
L’impact sur les populations à faible revenu
Les restrictions sur les promotions et les délais minimums pourraient avoir un impact disproportionné sur les populations à faible revenu qui dépendent souvent de ces offres pour des coûts de communication abordables. Pour de nombreuses familles burkinabè, chaque centime compte et la réduction des promotions pourrait augmenter le fardeau financier de la communication. Beaucoup de Burkinabè ont l’habitude d’acheter de petits volumes de crédit de communication simplement pour répondre à leurs besoins immédiats. Ces petites recharges, parfois suffisantes pour une journée ou deux, sont une bouée de sauvetage pour ceux qui ne peuvent se permettre de payer pour des forfaits mensuels plus importants. C’est dire donc que les conséquences sociales de cette décision devraient être prises en compte, car elles pourraient contribuer à creuser les inégalités en matière d’accès à la télécommunication.
Le contexte concurrentiel et réglementaire
La décision de l’ARCEP doit être examinée dans le contexte concurrentiel et réglementaire actuel. Elle intervient après l’application du Forfait de Service Public (FSP) et pourrait avoir un impact significatif sur le marché. Rappelons que le taux du FSP sur les services de télécommunication est de 5%. Une diminution du nombre de promotions pourrait potentiellement entraîner une augmentation des tarifs, ce qui serait préoccupant pour les consommateurs. Un consommateur qui achetait son forfait de 1Go à 1000F, et même 2Go (1Go +1Go en bonus) à 1000F les jours de bonus chez Orange, avec le FSP il paie désormais 1050F pour le même volume. Jusque-là tout se passe bien. Cependant avec la nouvelle règlementation limitant le nombre de promotions, les offres avec bonus se feront rares et le consommateur se retrouvera à payer plus fréquemment 1Go à 1000F et de moins en moins ou presque plus 1Go +1Go de bonus à 1000F.
La gestion des coûts pour les entreprises de commerce électronique
Les entreprises de commerce électronique devront peut-être revoir leur modèle économique pour prendre en compte les coûts liés aux services de télécommunication. Si les prix augmentent, cela pourrait entraîner une augmentation des coûts d’exploitation pour les entreprises, ce qui pourrait éventuellement être répercuté sur les prix des produits et services proposés en ligne. Les consommateurs pourraient alors se retrouver à payer plus cher pour les produits qu’ils achètent en ligne, ce qui aurait un impact sur leur pouvoir d’achat.
L’adaptation aux changements
Les acteurs du commerce électronique devront s’adapter aux nouvelles conditions du marché. Cela pourrait impliquer des ajustements dans leurs stratégies de marketing, de tarification et de communication avec les clients pour tenir compte des modifications potentielles dans l’utilisation des bonus mobiles. Les entreprises devront peut-être rechercher des moyens plus efficaces de gérer leurs coûts liés aux télécommunications, tout en maintenant la qualité de service attendue par leurs clients.
La concurrence accrue
Si les opérateurs de téléphonie mobile offrent plus de flexibilité en termes de validité des bonus et de services, cela pourrait également stimuler la concurrence entre les opérateurs. Une plus grande concurrence pourrait être une lueur d’espoir pour les consommateurs, car elle pourrait potentiellement conduire à des offres de connectivité plus compétitives. Les opérateurs devront rivaliser pour attirer et retenir les clients, ce qui pourrait se traduire par des avantages tangibles pour les consommateurs, tels que des tarifs plus bas et des offres plus avantageuses.
Flexibilité et Innovation
Une réglementation trop stricte peut entraver l’innovation et la flexibilité dans le secteur des télécommunications. Dans une logique de libre concurrent, les opérateurs ont besoin de liberté pour proposer de nouvelles offres et promotions qui répondent aux besoins changeants des clients. Les mesures imposées pourraient potentiellement limiter leur capacité à innover et à s’adapter rapidement à l’évolution du marché. Il est essentiel que les régulateurs et les opérateurs travaillent ensemble pour trouver un équilibre entre la protection des consommateurs et la promotion de l’innovation.
La conséquence sur la Concurrence
La décision de l’ARCEP doit également être évaluée en termes d’impact sur la concurrence. Il est essentiel de s’assurer que ces mesures n’introduisent pas de déséquilibre ou de barrières à l’entrée pour les nouveaux acteurs du marché. Une réglementation équilibrée doit favoriser un environnement concurrentiel sain, où les opérateurs établis et les nouveaux venus ont la possibilité de rivaliser sur un pied d’égalité. Cela peut contribuer à stimuler l’innovation, à améliorer la qualité des services et à garantir des prix équitables pour les consommateurs.
La nécessité d’une concertation accrue
L’une des leçons à tirer de cette décision de l’ARCEP est la nécessité d’une concertation accrue entre les régulateurs, les opérateurs de télécommunications et d’autres acteurs de l’industrie. Une communication ouverte et transparente peut contribuer à éviter les malentendus et à garantir que les décisions réglementaires prennent en compte les intérêts de toutes les parties prenantes. Il est crucial que les régulateurs consultent activement les acteurs du secteur avant de prendre des décisions importantes qui auront un impact sur les consommateurs et l’industrie dans son ensemble. Le recours en justice des 3 opérateurs montrent qu’il n’y a pas eu de concertation entre le régulateur et les 3 opérateurs.
Attention au syndrome du marché nigérien où la valeur du marché a connu une forte baisse suite à régulation pas bien maitrisée et un manque de communication. Les consommateurs ont dû monter au créneau avant le régulateur ne reviennent sur ses décisions.
Le rôle des consommateurs
Les consommateurs burkinabè ont un rôle essentiel à jouer dans ce contexte. Ils doivent surveiller de près l’évolution de la réglementation des télécommunications et s’exprimer sur les décisions qui les affectent directement. Les associations de consommateurs doivent jouer un rôle clé dans la défense des intérêts des consommateurs en plaidant pour des politiques qui garantissent un accès abordable et équitable aux services de télécommunication.
La décision de l’ARCEP visant à réguler le secteur des télécommunications au Burkina Faso suscite des réactions mitigées. Alors qu’elle offre aux consommateurs la possibilité d’émettre des appels et d’envoyer des SMS sur tous les réseaux avec des bonus, elle présente également des limites et des inconvénients, notamment en ce qui concerne la réduction des promotions, les délais minimums pour les abonnements, et les impacts sur les opérations commerciales et les populations à faible revenu.
Il est impératif que les régulateurs, les opérateurs de télécommunications et les consommateurs collaborent pour trouver un équilibre entre la protection des consommateurs, la promotion de la concurrence et l’encouragement de l’innovation. Une communication ouverte et transparente est essentielle pour éviter les conflits et garantir que les décisions réglementaires reflètent les besoins et les aspirations de la population burkinabè.
En fin de compte, le secteur des télécommunications au Burkina Faso est en pleine évolution, et il est essentiel que toutes les parties prenantes travaillent ensemble pour créer un environnement qui profite véritablement aux consommateurs et favorise le développement économique du pays.
Rodrigue SEKONE,
Consultant en communication
Email : sekonerodrigue@yahoo.fr
1 thought on “Décision de l’ARCEP : à qui profiteront réellement ces changements ? Analyse de Rodrigue SEKONE, Consultant en Communication”
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