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Conférence inaugurale : Experts et acteurs du numérique débattent des opportunités et défis de l’Intelligence Artificielle
La 2è édition du Forum du Digital vient d’ouvrir ses portes à Ouagadougou sur le thème “IA et Innovation, un catalyseur du développement durable au Burkina Faso : Impact de la Femme Digital”. Une conférence inaugurale s’est tenue sur les enjeux du digital et de l’intelligence artificielle, animée par des experts de renom tels que Boukary Zorom, Directeur Régional Canal+ RDC, Hermann Naze, Responsable Institutionnel à BF1 et Abraham Ndjorey, expert digital.
Les Enjeux du Digital et de l’IA : Perspectives d’Experts
La modération de cette conférence a été assurée par Sandra Wethe qui a lancé les débats en invitant les intervenants à présenter leur vision de l’Intelligence Artificielle. Hermann Naze considère l’IA comme un outil qui tente d’imiter l’intelligence humaine et qui, au fur et à mesure de son évolution, tend à se comporter comme un humain. Selon lui, l’IA commence à recouper des informations, les analyser jusqu’à comprendre les sentiments, ce qui constitue la partie la plus délicate. Il précise néanmoins que cet outil n’est pas supérieur à l’intelligence humaine.

Pour Abraham Ndjorey, le digital représente un monde numérique et internet, tandis que l’IA est l’outil qui donne vie à nos données. Il perçoit dans cette technologie la possibilité d’obtenir des solutions clés pour le développement du pays. À cet effet, il insiste sur la nécessité d’actualiser les compétences des formateurs afin qu’ils puissent outiller convenablement la jeunesse pour stimuler l’évolution du digital au Burkina Faso.
Intervenant en ligne depuis la République Démocratique du Congo, Boukary Zorom a partagé son expertise acquise au sein d’un environnement multinational. Il établit une distinction entre l’environnement des grandes entreprises et celui des PME locales. “Les multinationales sont caractérisées généralement par une prudence dans l’adoption des nouvelles technologies à raison de toutes les implications que ça peut avoir, notamment les implications juridiques, les implications en termes de coûts et de développement, les implications en termes de difficultés de talents, en ce qui particulièrement concerne l’intelligence artificielle et aussi la disponibilité des données”, a-t-il expliqué.

Sécurité des données et opportunités pour les PME burkinabè
M. Zorom a souligné que l’IA aujourd’hui est principalement générative et a réalisé d’importantes avancées dans le secteur des médias et du divertissement, notamment pour la génération d’images, de vidéos et de textes. Il a toutefois relevé les questions déontologiques, de préservation de l’emploi et des droits d’auteur qui restent à clarifier dans l’industrie du divertissement.
Pour les Petites et Moyennes Entreprises (PME) au Burkina Faso, l’adoption de l’IA reste un défi de taille. Boukary Zorom a rappelé que près de 90% des entreprises burkinabè sont des PME/PMI, souvent limitées par des ressources financières et humaines insuffisantes. Cependant, des opportunités existent pour intégrer l’IA de manière progressive et adaptée.
IA et sécurisation des données
La question de la sécurité des données exploitées par l’IA a également été abordée lors de la conférence. Pour M. Zorom, bien que des garde-fous soient mis en place, des failles subsistent toujours. Il a identifié deux niveaux de risque : le premier concerne l’importation de ses propres données et leur exposition potentielle, le second est lié au téléchargement d’applications d’IA qui peuvent présenter des risques de piratage des données personnelles. “Il y a des avantages, mais il y a des risques dans l’usage de l’IA et ça dépend du comportement de l’utilisateur”, a-t-il conclu.
Abraham Ndjorey a nuancé cette position en affirmant que “L’intelligence artificielle n’émet pas directement des risques” et que “ce n’est pas grâce à l’intelligence artificielle que nos données sont exploitées. C’est depuis l’avènement de l’Internet. Il a évoqué les grandes entreprises (GAFA, OpenAI, TikTok) qui collectent massivement nos données, tout en relativisant : “Les risques qui sont derrière, c’est de savoir que tout ce que nous mettons sur Internet ne se perd pas… ça se garde. Et ça sort lorsqu’on s’y attend le moins.”
Hermann Naze estime quant à lui que les utilisateurs n’ont pas vraiment le choix lorsqu’ils emploient des outils d’IA occidentaux, ignorant souvent ce qui sera fait des données collectées. Pour lui, la solution réside dans le fait que l’IA doit être un outil de souveraineté et non une source de dépendance. Il a posé la question provocante : “Aujourd’hui, on utilise Facebook, on utilise TikTok, on utilise Instagram, on utilise tous ces réseaux sociaux-là. Lequel est africain ?”
Il a également souligné la persistance de la fracture numérique, constatant qu’une publication faite sur un réseau social depuis l’Afrique ou le Burkina Faso n’a pas la même portée qu’une publication émise depuis les États-Unis, en raison des algorithmes de classement. M. Naze préconise de miser sur la main-d’œuvre locale pour développer des outils adaptés aux réalités africaines et des technologies nationales au service des populations.
Cette conférence inaugurale du FDD 2025 a mis en lumière les perspectives des experts sur l’impact de l’IA et du digital au Burkina Faso, tout en soulignant les défis en matière de sécurité des données et de souveraineté numérique.
Pierre Ouédraogo