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La Coordination Nationale de Lutte contre la Fraude (CNLF) dévoile une vaste fraude aux carburants subventionnés : Plus de 33 millions de litres d’hydrocarbures détournés vers des entreprises non autorisées – Plusieurs sites industriels fermés

Lors d’une conférence de presse tenue ce mardi 3 juin 2025 au siège de la Coordination Nationale de Lutte contre la Fraude (CNLF), le Dr. Yves Kafando, Coordinateur de la CNLF entouré de son équipe, a exposé l’ampleur de cette fraude massive. Selon les investigations menées sur la période de 2020 à 2024, 33 974 204 litres d’hydrocarbures, toutes catégories confondues, ont été frauduleusement détournés.

Ce détournement représente une perte colossale de 7 710 894 851 FCFA pour l’État, correspondant à la subvention que l’État a indûment supportée. Le Dr Kafando a souligné que “c’est vraiment une pratique qui porte une atteinte grave à l’économie et au développement du pays”.
Un système de fraude « à ciel ouvert » démantelé
La fraude repose sur un mécanisme simple mais dévastateur. Les marketeurs, qui détiennent le monopole de l’approvisionnement en carburant auprès de la SONABHY, acquièrent des hydrocarbures à prix subventionné, destinés normalement à la consommation des ménages et des populations dans les stations-service. Au lieu de livrer ce carburant aux pompes, ils le revendent frauduleusement à des entreprises industrielles, des opérateurs de carrières, des entreprises du BTP et des sociétés minières. « Les marketeurs (Total, Shell, Vivo Energy, etc.) achètent du carburant subventionné à 613 FCFA le litre à la SONABHY, alors que le prix normal pour les entreprises est de 1 150 FCFA. Ils le revendent ensuite aux industriels en gardant la marge, violant ainsi la loi. » explique le Dr Kafando.
Ces “caïds du marché” profitent ainsi d’une marge bénéficiaire accrue, puisque ces entreprises devraient normalement s’approvisionner en carburant non subventionné à un prix plus élevé. Cette pratique, qualifiée d’« escroquerie systémique », prive l’État de devises et sape les efforts de redistribution sociale. « Ces 7 milliards perdus représentent des fonds qui auraient pu financer des écoles, des routes ou des hôpitaux. C’est une atteinte grave à l’économie nationale. » déplore Dr Kafando sur les conséquences d’une telle pratique sur l’économie nationale.
Fermetures et mesures conservatoires : les premières sanctions
Face à l’ampleur du préjudice, la CNLF a ordonné la fermeture immédiate de plusieurs sites industriels et carrières impliqués. A noter que les enquetes menées ont concerné 13 unités industrielles, 13 entreprises, carrières, mines, entreprises existantes dans le BTP et toutes les 13 étaient fautives. « Sur les 13 entreprises contrôlées, aucune ne respectait la réglementation. L’enquête continue, et d’autres pourraient être exposées. » précise Dr Kafando. Les dossiers ont été transmis aux autorités judiciaires pour des poursuites.
Selon le Dr Kafando, la procédure offre aux entreprises mises en cause la possibilité de régler l’affaire par voie transactionnelle, en restituant les sommes indûment perçues et en payant les amendes et pénalités encourues. À défaut, l’affaire sera portée devant les tribunaux. « Nous avons fermé les sites impliqués et engagé des procédures. Les entreprises ont deux options : régulariser leur situation par une transaction (remboursement + amendes) ou affronter la justice. » a déclaré le Coordonnateur de la CNLF.

La SONABHY mise hors de cause, mais le système de contrôle en question
La CNLF a également formulé des recommandations concrètes pour prévenir de futures fraudes. L’une d’elles propose de permettre aux entreprises et sociétés non éligibles au carburant subventionné de s’approvisionner directement auprès de la SONABHY, sous réserve de vérifications rigoureuses des documents par les contrôleurs pour attester de la provenance et de la destination des produits. En effet, sur la responsabilité possible dans cette affaire, la CNLF botte en touche et pointe plutôt du doigt les marketeurs qui ont plutôt dupé la SONABHY. « La SONABHY n’est pas complice car elle vend le carburant en croyant à la bonne foi des marketeurs. Le problème vient du manque de traçabilité après la sortie des stocks. » a fait savoir Dr Kafando.
La conférence de presse tenue par la CNLF met à nu une fraude systémique, mais montre aussi la volonté des autorités de reprendre le contrôle. L’affaire pourrait relancer le débat sur la réforme des subventions et le renforcement des contrôles dans la filière hydrocarbures. La CNLF a réitéré son engagement à poursuivre ses missions de lutte contre la fraude “sans repos ni répit”, appelant les acteurs du monde des affaires à des pratiques “orthodoxes, empreintes de transparence et de traçabilité”.
Pierre Ouedraogo
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